HiiL et l’Association des femmes juristes du Burkina Faso (AFJ-BF) ont lancé la première fiche d’information du pays sur l’accès des femmes à la justice. Organisé sous le patronage du Ministre de la Justice, M. Edasso Rodrigue Bayala, un événement de lancement a réuni le 2 avril des juges, des officiers de police, des chefs coutumiers et des représentants d’organisations telles que le PNUD, Terre des Hommes, Amnesty International et Oxfam pour réfléchir aux obstacles auxquels les femmes sont confrontées dans l’accès à la justice et à ce qui peut être fait pour y remédier. La question centrale posée était la suivante : Comment rendre le système judiciaire plus inclusif et plus accessible aux femmes, tout en respectant les valeurs et les traditions burkinabè ?

La fiche d’information s’appuie sur les données de l’enquête 2024 de HiiL sur les besoins et la satisfaction en matière de justice et sur des cas concrets traités par les cliniques juridiques de l’AFJ-BF. Elle met en évidence les obstacles auxquels les femmes sont confrontées pour résoudre leurs problèmes juridiques et présente des recommandations pratiques pour y remédier.
Pour certaines femmes, la recherche de la justice peut avoir un coût terrible. Comme l’a dit une avocate de l’AFJ-BF à Ouahigouya :
Si vous ne pouvez pas être en sécurité chez vous, si ceux qui devraient vous protéger deviennent vos bourreaux, alors vers qui vous tourner ? Chercher de l’aide devrait être une évidence, mais pour trop de femmes, c’est un risque encore plus grand : représailles, violences aggravées, expulsion du foyer. Si vous deviez choisir entre subir en silence ou perdre vos enfants, votre maison, votre dignité ou même être bannie de votre famille et de votre communauté… que feriez-vous ?
Thérèse, une femme du nord du Burkina Faso dont l’histoire est relatée dans la fiche d’information, a été confrontée à ce choix. Après que son cousin a vendu la terre dont elle avait hérité sans son consentement, elle a tenté de résoudre le problème par l’intermédiaire des anciens de la région. En cas d’échec, elle s’est tournée vers les tribunaux – une décision qui a suscité une forte résistance et des menaces de bannissement du village. Finalement, elle a été orientée vers une clinique juridique de l’AFJ, qui l’a mise en contact avec un avocat. Alors qu’elle attend la décision du tribunal, Thérèse a déjà payé le prix fort : sa place dans la communauté.
Les femmes comme Thérèse ne sont pas seules. Pourtant, la plupart d’entre elles restent invisibles dans le système judiciaire.
Le déficit de justice
L’enquête HiiL 2024 sur les besoins et la satisfaction en matière de justice révèle que les femmes du Burkina Faso connaissent un écart plus important que les hommes en matière de justice. Cela n’est pas dû à une meilleure protection, mais plutôt à une plus grande vulnérabilité résultant d’un manque d’éducation, de moyens financiers et de normes sociales profondément enracinées. 44 % des femmes sont analphabètes et nombre d’entre elles ne signalent pas les problèmes juridiques simplement parce qu’elles ne les reconnaissent pas comme tels ou parce qu’elles n’ont pas les moyens et le soutien nécessaires pour agir. Elles sont également plus susceptibles d’abandonner leur quête de justice lorsque les solutions sont inaccessibles, inabordables ou socialement dangereuses.
La nouvelle fiche d’information présente sept recommandations pratiques visant à améliorer le fonctionnement des systèmes judiciaires pour les femmes. Ces recommandations sont les suivantes
- Sensibiliser et former, en particulierles femmes, à leurs droits et à l’accès à la justice.
- Rendre les services de justice plus accessibles, notamment en traduisant les textes juridiques dans les langues locales et en organisant des journées portes ouvertes dans les tribunaux.
- Soutenir les services tels que les refuges, les cliniques juridiques et les guichets uniques où les femmes peuvent recevoir de l’aide et partager leurs expériences.
- Encourager les juges des affaires familiales à contribuer à la mise en place d’un environnement judiciaire plus inclusif.
- Travailler avec les prestataires de services et les autorités coutumières pour sensibiliser et améliorer la manière dont les problèmes juridiques rencontrés par les femmes sont traités.
HiiL et AFJ-BF continueront à travailler étroitement pour donner vie à ces recommandations. En s’appuyant sur les discussions du forum, ils engageront un dialogue avec les autorités coutumières et les acteurs judiciaires pour s’assurer que les droits des femmes sont respectés – en particulier dans le contexte de la réforme de la justice de 2025, qui vise à intégrer formellement la justice coutumière dans le système national.
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